2014/06/03

LE MAGASIN VALEUR SÛRE: ZIYAD

Aujourd’hui je m’attaque à une valeur sûre, qui est juste en bas de chez moi –plutôt de mon ancien chez moi, puisque je suis au Japon depuis exactement deux mois !!- ZIYAD.


Ziyad fait le coin d’une ruelle du souk de Furn el Chebbak depuis 47 ans. Un indétrônable. Les vendeuses s’affairent autour des clients et des clientes sur plusieurs étages. La patronne, Marguerita, est une jeune femme sympathique. Ancienne étudiante en psychologie sociale, elle a repris l’affaire familiale.



Il est rare que j’aille chez Ziyad et que j’en ressorte sans avoir rien acheté. C’est peut-être parce que, comme l’explique Marguerita, Ziyad offre une gamme de tissus vraiment large, allant des habits « sports »aux robes de soirée et de mariages, des vêtements au linge de maison.

Marguerita aime le relationnel avec les clients. Elle nous montre ses tissus préférés, des tulles noires et dorées, son ‘’mur de couleur’’: des mousselines de toutes les couleurs et de toutes les nuances. Mais elle s’adapte aussi aux besoins des clients et à leur évolution. Du coup, on trouve moins de petits linges de tous les jours pour les robes de chambre, les flanelles, et plus de tissus habillés pour les robes, les tailleurs, les pantalons.


Le "mur de couleur" offre un choix de mousseline impressionnant
Les tissus proviennent de pays très différents, selon la gamme. Les tissus d’ameublement sont d’origine égyptienne, les  cotonnades sont chinoises ou indonésiennes. Certaines dentelles et guipures proviennent d’Europe, mais c’est beaucoup plus rare.
Le rayon des dentelles et guipures est à l’image des tendances modes que lancent les couturiers Libanais. Il suffit qu’une dentelle fleurie apparaisse dans un défilé, et les clients ne demandent plus que cette dentelle-là. Quant aux couturiers, ils s’approvisionnent en modèles de base chez Ziyad.


Franchement, Ziyad est un incontournable. La seule chose qui pourrait vous empêcher d’y aller, c’est peut-être de trouver une place pour se garer dans les étroites ruelles de Furn el-Chebbak. Un conseil, allez-y en service !

Carte/MAP:

horaires: Lundi-Samedi, 10h-19h
Prix: $ à $$$

2014/03/01

PAUSE COUTURE: UN INTERMEDE CREATIF A BEYROUTH

    Une des choses les plus motivantes dans mon apprentissage de la couture a sans doute été le côté « communauté », petits bars à couture à Paris, où je rêvais d’aller alors que je ne savais pas encore mettre en marche une machine à coudre, concours et compétitions en tout genre, salons de la couture, etc… Il n’y a rien de plus simple à partager que le travail manuel.

L'atelier Pause Couture à Clémenceau 
            Et j’avoue qu’en arrivant à Beyrouth, peu d’endroits proposaient ce genre de retrouvailles manuelles. La plupart des cours de couture se faisaient dans un cadre académique qui ne me convenait pas (à part Leyla de The OldFashioned Way qui est retournée à Londres). Je savais à présent mettre un fil dans la machine, mais je me retrouvais seule face à elle.

Jusqu’en Novembre dernier, quand Sabrina a ouvert un atelier de couture dans son appartement de Clémenceau.



Sabrina est une jeune styliste et modéliste française, installée au Liban depuis quelques années. Pause Couture, c’est, comme le nom l’indique, un moment de pause dans la rage du trafic et du chaos beyrouthin, le temps d’aller coudre une pochette, un haut, une robe, tout ce qui nous fait plaisir. Le temps de siroter une tasse de thé (qu’on oublie souvent à moitié pleine sur la table, tant on est concentré sur son travail).

Le petit buffet où on choisit son thé. 

Dans son joli atelier, Sabrina me raconte comment elle est entrée dans le monde de la couture, de son premier pantalon de pyjama jusqu’à l’abandon d’études de droit pour reprendre des études de stylisme à l’école de la chambre syndicale de la couture parisienne.

Dans ton travail, qu’est-ce qui te motive au quotidien ?

La création, l’excitation. J’aime les périodes de collection, [Sabrina est modéliste pour une marque d’habits d’enfants] il y a toujours quelque chose de neuf qui arrive, j’aime voir des nouveaux modèles, voir la transformation du patron à plat au modèle fini. C’est aussi ça qui me motive dans les cours que je donne, chaque élève arrive avec ce qu’elle/il imagine, son idée, et moi je fais en sorte qu’elle/il ressorte avec ce qu’elle/il voulait avoir. Je ne sais pas ce qui m’attend au prochain cours, il n’y a pas de routine.


Ma version en soie indienne du t-shirt de Sabrina Cesari (présenté à droite)






Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Exemples de modèles que propose Sabrina à ses élèves
 Je n’ai pas d’inspiration spécifique. Selon mes humeurs, les périodes de ma vie, mes inspirations ont changé. J’ai eu des périodes tailleurs chanel, robes chasuble, puis  des périodes sarouels, vêtements larges. Je pense qu’on évolue avec la mode mais aussi avec l’âge, la maturité influence nos choix vestimentaires…et le pays aussi ! Maintenant que je suis au Liban, mes goûts ont évolué, et j’aime des choses différentes que quand je vivais en France parce que le style de vie a changé. Je ne peux pas vraiment dire que je suis fan d’un styliste en particulier depuis des années.

 
 Parlant de stylistes, qu’est-ce que tu penses des stylistes libanais, comme Elie Saab, Zuhair Murad ou Rabih Keyrouz ?

 J’aime bien, ils ont souvent des inspirations très orientales. On m’a proposé de travailler avec une jeune créatrice libanaise, et j’avais peur que ce soit trop oriental. J’ai un style plus occidental, et je ne sais pas si je pourrais  mettre la dose de volume, la dose de paillettes qui convient à ce style. Rabih Keyrouz est moins "oriental", d'ailleurs, on a fait la même école à Paris. [C’est aussi de là qu’est diplômé Yves Saint-Laurent]

Est-ce que tu as des petits rituels de couture ?

Je n’ai pas vraiment de rituels, mais  lorsque je couds, je m’enferme dans ma bulle, coupée de ce qui se passe à l’extérieur. Des fois je mets de la musique puis je n’y fais même plus attention.

Tu aurais des conseils à donner à des débutantes ?

Ne pas se décourager. On a l’impression qu’il y a tant de choses à savoir qu’on n’y arrivera jamais. Surtout si on fait une école, on apprend tout en même temps : patrons, couture, termes techniques, tissus. Les années d’expérience font qu’on a un meilleur niveau. Quand on commence à travailler on a l’impression de manquer de technique, mais c’est le temps qui permet de s’améliorer. Il faut garder confiance en soi, et s’y accrocher.

Le blouson, sur ma to-do list. 
            

     Comme métier, c’est une passion. Les créateurs grandissent avec cette passion. On se couche en pensant à ces modèles, on se lève en y pensant aussi. On vit avec ça tous les jours, et tout peut nous inspirer : la télé, la rue, les magazines. C’est un travail non-stop qui prend beaucoup d’énergie, pas le genre d’activité que tu oublies une fois rentrée du bureau. Courage et persévérance, c’est vraiment ça. C’est dur mais parfois, c’est aussi synonyme de satisfaction quand on finit quelque chose qu’on a eu du mal à faire, qu’on a eu envie de jeter par la fenêtre.

Un secret couture à partager?

La règle japonaise donne les centimètres et les angles
La règle japonaise, [rebaptisée la règle magique]. Je la prends partout avec moi, surtout pour dessiner les patrons, mais c’est aussi utile pour la couture, par exemple pour dessiner les marges de couture rapidement. 

 
Quels sont tes prochains projets ?

Un top court, crop en style bustier. Et une robe bustier, et une jupe avec un zip en diagonale et la coupe en biais. Je voudrais proposer un autre modèle de jupe pour mes élèves que celui que je propose actuellement. Je préfère faire mes propres patrons à proposer aux élèves, plutôt que des Burda, où il y a parfois trop de retouches à faire. Je suis passée par une période ou j’avais du mal à faire des choses pour moi, mais les cours me redonnent envie. Faire un prototype comme le haut ou le blouson ça motive les élèves à faire des choses nouvelles. Quand elles le voient, elles ont plus envie de coudre.

Et pour Pause couture ?


Je voudrais ouvrir des séances de modélisme et de dessin de mode, pour apprendre à mes élèves à faire un vêtement de la conception à la réalisation. Je pourrais aussi proposer des stages de découverte du métier.

Merci Sabrina! Pour ceux et celles qui seraient intéressés, vous trouverez toutes les informations sur la page Facebook: https://www.facebook.com/pausecouture

Et bien sûr, la carte vers Pause couture: 


2014/02/21

PANAYOT, DE LA RUE SURSOCK A FURN EL CHEBBAK

Panayot a une devanture étroite qui donne sur le Souk de Furn el Chebbak.
Je rentre, attirée par une cotonnade fleurie. Il n’y a qu’un vieux monsieur assis derrière un bureau sur une estrade. C’est un peu intimidant !
Je prends mon courage à deux mains, et lui pose quelques questions.
 Il est d’abord méfiant mais son visage s’illumine quand il parle du magasin. Il m’explique qu’ils vendent des tissus en gros aussi bien qu’au détail, même s’il y a de moins en moins de gens qui achètent au détail. Il fournit pour des ateliers à Zahlé, à Tripoli ou à Saïda, mais plus à Beyrouth, non, non.

Il évoque les débuts du magasin, fondé en 1928 rue Sursock et Allenby, près du vieux souk de Beyrouth. Le magasin s’appelait alors Hosseily et Panayot. Hosseily, du nom de la famille de son oncle.
"A l’époque,m'explique-t-il, on vendait des tissus de grande qualité, même au détail. Les fournisseurs étaient en général Européens. Maintenant, on ne retrouve pas la même qualité pour les tissus au détail, qui sont achetés en Inde ou en Chine.''
 Place aux tissus à bas prix et de plus ou moins bonne qualité.
Malgré tout, Panayot a un choix large de tissus de toutes sortes, et une très belle gamme de soieries qu’il nomme « haute nouveauté» : dentelles de soies peintes à la main, qu’il déballe précieusement devant moi. 


En 1977, deux ans après le début de la guerre, Panayot abandonne la rue Sursock et ouvre rue de Damas, dans le souk de Furn el-Chebbak, où il est encore aujourd’hui. 



Et, chanceuse que je suis, il est juste à côté de chez moi !

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Panayot’s front window is narrow, and overlooks the souk of Furn el Chebbak.

I get in, attracted by a colorful cotton fabric. Inside, there is only a little old man, sitting behind a desk, on a sort of a stage. That’s quite intimidating!


I try to pluck up my courage to ask him a few questions. At first, he’s being defiant, but his face lightens up when he talks about his shop’s story. He tells me they buy in retail and wholesale, but nowadays less and less people purchase retail fabrics. His customers come from factories in Zahle, Tripoli or Saida, but not in Beirut, not anymore. They have remained loyal to Panayot through the years.  

He talks about the beginnings. The shop was founded in 1928 on Sursock Street, close to Beirut’s city center. It used to be called ‘’ HOsseily and Panayot’’. 


‘’ At that time, he says, we used to have great quality fabrics, even in retail. Now, it’s harder to find the same quality, and most of our fabrics come from India or China.’’

The prices are lower and the quality as well.  


Panayot still has a large choice of fabrics of all sorts, and a range of beautiful hand-painted silks that He calls ‘’haute nouveaute’’.

In 1977, two years after the beginning of the war, Panayot moved to Furn el Chebbak, where it is still located.



And lucky as I am, Panayot is just next to my house!
 

 




CARTE DE PANAYOT/ MAP TO PANAYOT


Panayot, Furn el Chebbak




Prix/Prices: $ to $$ 
Horaires/Hours: 9-5 PM